L'édition 2025 des rencontres musicales d'Évian met en valeur l'oeuvre musicale de Maurice Ravel à l'occasion du 150ème anniversaire de sa naissance. Comme toutes les années précédentes, ce festival est marqué par la grande qualité de ses interprètes venus du monde entier. Il est l'occasion de montrer l'attachement de la Haute-Savoie à la musique et à la culture.
Créées en 1976 et abritées depuis 1993 dans le superbe écrin de la salle de concert de la Grange au lac, les Rencontres musicales d’Évian
sont sans doute ce qu’il est possible de faire de mieux dans l’univers des festivals d’été de musique classique. Ce festival fait du département de la Haute-Savoie et de sa ville d’eau une référence de très haut niveau de notre monde musical, même si la région lémanique n’est pas dépourvue d’autres rencontres musicales de référence, à l’image des festivals voisins de Montreux, de Verbier ou de Gstaad, tous abrités par nos voisins helvétiques.
Évian cumule les avantages d’un site naturel exceptionnel, d’une salle esthétiquement au sommet de ce que peut offrir cette région, grâce au talent de l’architecte Patrick Bouchain, et à l’acoustique de référence, d’un soutien sans faille de mécènes impliqués dans la vie de ce festival et d’une programmation musicale digne des plus grandes scènes mondiales, où viennent se produire les meilleures phalanges mondiales et de nombreux artistes de très grand renom. Simple exemple, j’ai pu assister le 28 juin 2023 au concert de la Philharmonie de Berlin, avec Zubin Mehta à la baguette, dans une très belle version de la quatrième symphonie en fa mineur opus 36 de Tchaïkovsky, aux côtés d’œuvres de W.A. Mozart et de Robert Schumann.
Présidées entre 1990 et 2000 par le violoncelliste russe Mstislav Rostropovitch, les Rencontres musicales sont aujourd’hui placées sous la direction artistique du violoniste Renaud Capuçon, artiste né à Chambéry et qui, avec son frère violoncelliste Gautier, font tant pour lier la musique classique aux deux départements savoyards. Renaud Capuçon est également un interprète talentueux de ce festival, comme il l’a encore montré le 29 juin à l’occasion d’un concert matinal entièrement dédié à Maurice Ravel, en interprétant ses deux sonates pour violon et piano et sa berceuse. Les deux frères musiciens se produisent tous deux dans un concert dédié à Brahms et Wagner le 1er juillet au soir.
Cette édition 2025 est cependant placée sous le signe de Maurice Ravel dont nous fêtons cette année les 150 ans de sa naissance. La soirée du mercredi 2 juillet devait mettre en valeur des œuvres symphoniques et pianistiques certes très connues mais ô combien importantes dans le répertoire de ce compositeur, avec l’orchestre du Capitole de Toulouse et l’immense pianiste Martha Argerich, dont l’acmée de cette soirée devait être le concerto pour piano en sol majeur. Martha Argerich ne pourra malheureusement pas jouer pour son public mercredi et ne pourra pas honorer cet engagement. Ce retrait n’enlève bien sûr rien à la programmation ni aux qualités de la jeune pianiste Yuja Wang qui aura la lourde tâche de se substituer au pied levé à Martha Argerich. Mais il est évident qu’écouter Martha Argerich dans cette œuvre est une expérience irremplaçable.
Peu d’artistes ont une telle aura dans l’œuvre pianistique de Maurice Ravel. Elle fait partie du cercle des plus grands interprètes de ce compositeur, là où je place en particulier Samson François à titre personnel. Mais je pense aussi à Vlado Perlemuter que j’ai eu la chance de voir et d’écouter à Paris salle Pleyel il y a maintenant trente ans, dans cet univers ravélien qu’il affectionnait tant et qu’il a tant défendu sur toutes les scènes.
Les concerts qui terminent ce festival permettront de redécouvrir le ballet de Lausanne dans la chorégraphie de Maurice Béjart du Boléro de Maurice Ravel, révélée en 1981 au grand public par le truchement du film de Claude Lelouch « les uns et les autres ». Le 3 juillet est consacré au Royal Philharmonic Orchestra et à la violoniste Anne-Sophie Mutter et le 4 juillet aux Arts florissants et à William Christie, pour ne citer que les artistes les plus célèbres qui se produisent cette semaine.
A mon sens, venir à Évian pour les Rencontres musicales, c’est quelque part venir en pèlerinage et recevoir ce que notre monde peut offrir de meilleur en matière de beauté artistique. Personnellement, je fais précéder chaque concert d’une écoute attentive des œuvres qui y seront jouées, avec différentes versions et un retour aux partitions, pour en apprécier plus encore la quintessence et la grandeur du lieu. Évian, c’est aussi prendre le temps d’admirer une salle exceptionnelle sous les superbes frondaisons de l’Évian Resort et d’en apprécier son acoustique.
Sur ce dernier point, je tiens à souligner que l’architecte a fait un travail remarquable. Ainsi, le 18 mai dernier, au Victoria Hall de Genève, l’antre de l’Orchestre de La Suisse romande et du regretté chef Ernest Ansermet, l’orchestre du festival de Budapest, avec à sa tête son chef Iván Fischer, a joué la cinquième symphonie de Gustav Mahler. Le concert d’ouverture des Rencontres musicales d’Évian de cette année a programmé le même orchestre, le même chef et la même œuvre. Mais la salle m’a permis d’entendre plus distinctement chacun des musiciens de l’orchestre, d’apprécier la subtilité des sections de bois, de cuivres et de percussions, au point de me rappeler la version donnée en 1960 au Carnegie Hall par le chef Dimitri Mitropoulos et le New York Philharmonic ; ce que je considère encore aujourd’hui et après quarante ans d’écoute comme l’une des plus belles versions enregistrées de cette œuvre symphonique.
Bref, vous l’aurez compris, la Haute-Savoie a la chance d’abriter un spectacle exceptionnel (et le mot n’est pas galvaudé dans mon esprit) que peu de régions françaises ont la chance de posséder. Si ce n’est déjà fait, il ne vous reste plus qu’à vous précipiter pour arracher les dernières places disponibles ou vous préparer pour la prochaine édition qui, j’en suis sûr, fera honneur à toutes les précédentes éditions des Rencontres musicales d’Évian.
Par Christophe-Alexandre PAILLARD le 30 juin 2025
Christophe-Alexandre PAILLARD