La Savoie et la Haute-Savoie à l’épreuve des polluants éternels – focus sur les PFAS


La Savoie et la Haute-Savoie à l’épreuve des polluants éternels – focus sur les PFAS

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Article N°28803

La Savoie et la Haute-Savoie à l’épreuve des polluants éternels – focus sur les PFAS

La contamination aux PFAS est un enjeu majeur pour nombre d’industries savoyardes au premier rang desquelles l’emblématique site de Tefal à Rumilly. Vision stratégique ou solutions technologiques il en va de la survie de nos industries.

Connus du grand public sous le qualificatif de polluants éternels, les PFAS désignent une catégorie de plus de 10.000 substances chimiques appelées les per- et polyfluoroalkylés.

Les PFAS font partie de notre vie quotidienne et contaminent l’ensemble de notre environnement. 97% de l’eau potable en contient. Les sols et toute la chaîne alimentaire sont touchés, comme ne manquent pas de le marteler de nombreux journaux avec une régularité de métronome. Dès 2023 une carte de France de la pollution par les PFAS était publiée (carte CNRS).

Les PFAS concernent au premier plan les deux Savoie car ces substances sont le fer de lance de l’usine Tefal de Rumilly (Groupe SEB), premier bassin d’emploi de la Haute-Savoie avec 1.500 employés. La contamination est avérée (article ARS). La Savoie a aussi subi des contaminations touchant des communes de Chambéry (article Le Dauphiné) sans que la source de la contamination n’ait pu être identifiée.

 

Que sont les PFAS ?

Découvert en 1938 par la société américaine DuPont de Nemours le premier PFAS, Polytetrafluoroethylène (PTFE) ou Téflon®, devient dans les années 50 incontournable dans les ustensiles culinaires. Au fur et à mesure, son utilisation se généralise et la famille s’agrandit, convertissant de nombreux secteurs industriels à ces substances aux propriétés exceptionnelles. Actuellement plus de 200 domaines d’applications sont identifiés.

Les PFAS sont des produits chimiques de synthèse qui contiennent une chaîne carbonée partiellement ou totalement fluorée qui leur confère une très grande stabilité chimique et thermique. Ils sont ininflammables et possèdent des propriétés mécaniques, optiques et électriques. Les PFAS sont à la fois très hydrophobes (hydrofuges, repoussent l’eau) et très lipophobes (oléofuges, repoussent les graisses), ce qui leur confère des propriétés de surface mises à profit dans d’innombrables domaines du quotidien. Les ustensiles de cuisine (poêles, casseroles, plaques de cuisson, etc.) mettent à profit leurs propriétés anti adhérentes, les emballages alimentaires papier/carton utilisent leur résistance à l’eau et à la graisse (fast-food, popcorn micro-ondes, boîtes à pizza). Dans les cosmétiques et produits de maquillage leur capacité à former des films hydrophobes et leur durabilité exceptionnelle permet de développer des mascaras waterproof, fonds de teint, produits à effet longue durée.



 

Des substances aux propriétés fabuleuses mais quid des inconvénients ?

Le premier scandale sanitaire majeur lié aux PFAS éclate en 2001 aux États-Unis, lorsque la firme DuPont est accusée d’avoir contaminé plus de 70 000 personnes avec du PFOA, une affaire portée à l’écran en 2019 dans le film Dark Waters de Todd Haynes.

Concernant la santé, humaine, deux substances le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) ont été classifiées respectivement carcinogène groupe I et potentiellement carcinogène groupe 2B. L’académie des sciences a publié au mois de mars un rapport complet (Rapport Académie des Sciences) qui identifie les risques potentiels pour la santé humaine.

Concernant l’environnement, les problèmes posés par les PFAS sont le pendant de leurs points forts : leur résistance exceptionnelle à la dégradation chimique et thermique fait qu’ils se biodégradent très lentement et se bioaccumulent.

 

La règlementation s’empare du sujet

A l’international La Convention de Stockholm restreint l’usage du PFOS en 2009, puis celui du PFOA en 2020, le PFHxS (acide perfuorohexane sulfonique) devrait l’être prochainement.

Au niveau Européen le règlement REACH (Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals) a banni un certain nombre de ces composés depuis 2006. Plusieurs PFAS sont inclus dans la liste des SVHC (substances extrêmement préoccupantes). Deux règlementations sont en vigueur, l’une imposant que les eaux de consommation restent sous la limite de 100 ng/litre pour la somme de 20 PFAS, l’autre au 1er janvier 2023 concerne les denrées d’origine animale.

à venir : l’ECHA (European Chemicals Agency) chargée de mettre en place le règlement REACH travaille sur une proposition d’interdiction totale des PFAS. Décision attendue en 2027.

Au niveau national : La loi 2025-188 du 27 février 2025 vise à interdire les PFAS dans les cosmétiques, les farts de ski et les textiles grand public à partir du 1er janvier 2026. Le décret d’application n’est pas encore publié.

 

Quelles solutions ?

La prise de conscience des risques représentés par les PFAS s’accélère partout dans le monde.
Depuis 2019 des milliers de projets de R&D (Recherche et Développement) ont vu le jour dans les universités et industries concernées par les PFAS avec des approches différentes et complémentaires:

Trouver des produits de substitutions : La suppression des PFAS se fait souvent au prix de moindres performances du produit final. Lorsqu’il s’agit d’un domaine non-essentiel pour la santé, la sécurité ou le fonctionnement de la société (ex cosmétique) ou qu’une alternative avec des performances acceptables est identifiée (ex mousses anti-incendie) la substitution peut être engagée. Il existe cependant des domaines essentiels où les PFAS n’ont actuellement pas d’alternatives acceptables (ex dispositifs médicaux, batteries ion-Lithium, fluides caloporteurs des pompes à chaleur et climatisations). La recherche se poursuit.

Travailler sur des processus de fabrication qui minimisent l’utilisation des PFAS les plus néfastes et sécurisent le traitement des déchets contaminants, dans l’air ou les effluents.

Décontaminer les sites pollués : La remédiation consiste à décontaminer les sols pollués pour les rendre à nouveau sains et utilisables. Détecter, capturer et détruire ou recycler les PFAS, c’est possible. Les PFAS peuvent se détruire par incinération, par voie chimiques en effeuillant les carbones pour éliminer le fluor. Leur dégradation par des microorganismes particuliers est également explorée. C’est l’enjeu de sites industriels comme celui de Rumilly.


Conclusion

La bataille fait rage au niveau des instances règlementaires. D’un côté les industriels essaient de repousser les échéances ou d’obtenir des exemptions, le temps de trouver des solutions, de l’autre les ONG et activistes écologistes exercent une pression médiatique intense. Pas une semaine ne passe sans qu’un article ou une émission ne nous informe du danger des PFAS. Un rapport de l’EGE (Ecole de Guerre Economique) dénonce une communication volontairement anxiogène qui simplifie le problème (vocabulaire inexact de polluant éternels), la dramatise (comparaison avec l’amiante) et l’amplifie par le biais des médias (rapport EGE).

Quoiqu’il en soit, c’est à la survie de leur activité que sont confrontés les industriels pris dans la tourmente des PFAS. La protection de la communauté locale impose des mesures de décontamination extrêmement couteuses à court terme, mais quid du long terme ? Faut-il miser sur une fabrication locale plus sécurisée ou délocaliser dans un pays moins regardant sur l’environnement ou la santé humaine ? N’oublions pas que si nous sacrifions notre industrie sur l’autel de l’écologie, d’autres pays n’ont pas de tels scrupules. Faut-il se tourner vers de nouvelles technologies ou de nouveaux marchés ? A voir les dernières acquisitions du groupe SEB qui renforce sa présence dans le professionnel et le haut de gamme (Forge Adour, Sofilac, Brigade De Buyer) on pourrait le penser.

Images sources Pixabay

Nathalie ROC MAWET

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