Les promesses n’engagent que ceux qui y croient dit-on. L’adage n’a jamais été aussi vrai que dans le dernier épisode de la série, Les Otages de Microsoft. Dix ans après avoir juré ses grands dieux que le changement de Windows 7 à Windows 10 en 2015 qui a mis des millions d’utilisateurs en difficulté était le dernier, Microsoft récidive. Et pourquoi s’en priverait-il, compte tenu de sa situation de quasi-monopole ?
Pour certains utilisateurs auxquels j’appartiens, en tant que particulier disposant d’un ordinateur récent avec des usages assez basiques, la transition a été indolore, pourquoi donc me plaindre ? C’est que par principe je n’aime pas être à la merci d’un fournisseur quel qu’il soit. Je pense aussi aux utilisateurs pour qui cette transition forcée a représenté des heures perdues du fait de plusieurs bugs qui ont été identifiés ces dernières semaines. Que dire de ceux qui vont être contraints de changer leur PC pour effectuer une transition qu’ils n’ont pas demandée, si celui-ci est trop vieux pour être doté d’une puce TPM 2.0 (généralement acheté avant 2017) ? S’ils restent sur Windows 10, compte tenu que le support et les mises à jour se sont arrêtés le 14 octobre dernier, ils courent le risque bien réel d’être la cible d’attaques cyber qui auront beau jeu d’exploiter les failles de sécurité qui vont inévitablement se creuser au fil des mois. Pour l’instant vous pouvez recevoir les ESU (Extended Security Update) pendant un an gratuit sous certaines conditions pour les particuliers, moyennant 61$ par poste pour les entreprises, un tarif qui doublera tous les ans pendant les deux années suivantes.
Mais n’y-a-t-il donc aucune alternative à Microsoft ? Si bien, sûr me répond-on, il y a Linux. A ce seul nom me vient à l’esprit l’image d’un geek qui code sur son ordinateur et conçoit des programmes que lui seul peut utiliser. C’était peut être le cas si j’en juge par les témoignages d’anciens utilisateurs qui ont utilisé Linux il y a une dizaine d’années, mais ça c’était avant. A ma grande surprise l’interface que m’ont montrée des utilisateurs actuels de Linux ressemble furieusement à Windows, hormis quelques détails d’ergonomie où les boutons sont placés à des endroits différents, la belle affaire. Intéressons-nous donc de plus près à ce qui finalement n’est plus réservé aux connaisseurs.
Tout d’abord qu’est-ce que Linux ? Linux est un système d’exploitation comme Windows ou macOS. Créé par Linus Torvalds en 1991 Il fait partie des systèmes libres et open source. Fiable et personnalisable, il est utilisé sur des serveurs, des ordinateurs personnels et des appareils embarqués. Quels sont les avantages de Linux pour un particulier ou une petite structure, entreprise, association, collectivité ?
Sans conteste, l’atout N°1 est le coût
Pas besoin de changer de PC
Linux étant un système léger à installer il peut parfaitement tourner sur de vieux PC sans souffrir de lenteur. « Linux m’a permis d’augmenter la durée de vie de ma machine » m’a confié un utilisateur de Windows qui a installé Linux (distribution Ubuntu) sur son vieil ordinateur.
Des frais d’utilisation réduits
Le tableau suivant dresse un comparatif des principaux postes de dépense et le constat est sans appel : le passage sous Linux offre des gains de coût substantiels au-delà même de l’extension de la durée d’utilisation de son PC.
| Élément | Windows | Linux (distribution typique) |
| Licence du système d’exploitation | Achat d’une licence (≈ 150 €–300 € par poste) + licences de mise à jour | Gratuit (Ubuntu, Linux Mint, Zorin OS etc.) ou abonnement optionnel très bas (ex. RHEL / SUSE) |
| Mises à jour majeures | Parfois payantes | Gratuit : Mises à jour continues |
| Logiciels bureautiques | Microsoft 365 (abonnement) ou gratuits (Libre office etc.) | Gratuit : LibreOffice , OnlyOffice, Apache Open office |
| Antivirus | 20-40€/an/poste | Pour les particuliers un antivirus n’est pas indispensable. |
| Maintenance et support | Contrats de support souvent onéreux | Pour les particuliers, support gratuit de la communauté. Pour les entreprises, options commerciales à prix raisonnable (Canonical / SUSE) |
| Infrastructure serveur | Licences Windows Server + CAL (Client Acces License) |
Serveurs Linux gratuits ; les distributions “Enterprise” facturent un support, pas le logiciel lui‑même. |
Comment transitionner vers Linux ?
Si vous envisagez d’effectuer ce changement, les étapes à suivre dépendront largement de votre situation (particulier, petite entreprise, organisation avec parc informatique complexe, etc.). Dans tous les cas, il est essentiel de commencer par analyser précisément votre environnement actuel :
Inventoriez les applications utilisées (bureautique, comptabilité, gestion commerciale, production…). Identifiez leur criticité et vérifiez leur compatibilité avec Linux. Certaines applications clés pourront fonctionner, d’autres nécessiteront une alternative ou une adaptation, et il pourra parfois être nécessaire de conserver quelques postes Windows pour des logiciels métier spécifiques.
Choisissez la distribution Linux la plus adaptée à votre contexte. Par « distribution », entendez le meilleur système Linux pour votre cas personnel.
Pour un particulier ou une entreprise unipersonnelle, il est recommandé d’opter pour une distribution stable, simple à maintenir et bien supportée, comme Ubuntu LTS ou Linux Mint, particulièrement accessible pour des utilisateurs venant de Windows. Comme nous sommes dans le domaine des systèmes libres et open source, la communauté met à disposition de nombreux guides clairs pour vous orienter dans votre choix.
Pour une entreprise avec des parcs plus étendus, la transition doit être pilotée de manière professionnelle. Il est conseillé de faire appel à un prestataire spécialisé dans la gestion de parcs Linux (et idéalement mixte Linux/Windows) afin d’assurer un déploiement sécurisé, accompagné et cohérent avec vos besoins opérationnels.
L’installation : hormis les entreprises qui ont tout intérêt à recourir à un prestataire, si vous optez pour faire vous-même l’installation, appuyez-vous sur les guides fournis par la communauté. N’hésitez pas également à utiliser des outils d’IA comme Lumo (l’IA de Proton respectueuse de vos données lien), qui peut vous aider à synthétiser l’information ou à apporter une aide ponctuelle, par exemple pour trouver un pilote pour un périphérique. Un utilisateur qui ne pouvait plus faire fonctionner un scanner Canon trop vieux car le pilote n’était pas supporté sous Windows a pu le faire fonctionner sous Linux.
En conclusion
Si vous pensez faire partie des utilisateurs malmenés par Microsoft, ceux qui voient leur PC incapable de migrer vers Windows 11, à la merci de futures défaillances ou de failles de sécurité sans support, penchez-vous sur la possibilité de passer sous Linux qui représente une option viable pour ne pas être à la merci de ce géant hégémonique. Loin de la solution réservée aux geeks que certains ont pu connaitre, Linux a beaucoup évolué pour permettre de faire une transition assez simple vers un système qui offre un environnement convivial et permet de couvrir les besoins d’une vaste majorité des utilisateurs qui ont des usages assez basiques.
En tant que particulier vous découvrirez le monde des logiciels libres et open source, où les briques technologiques (logiciels, OS) sont souvent gratuites. Des dons sont néanmoins bienvenus pour permettre aux développeurs de continuer à améliorer et à maintenir ces applications, c’est une saine façon de reconnaître le travail et le service rendu à la communauté par ces passionnés.
Pour les entreprises, le recours à une société de service pour assurer la transition et la maintenance de votre parc et de certains logiciels stratégiques est certes payant, mais loin des tarifs excessifs dont doivent s’acquitter les sociétés qui utilisent des solutions d‘acteurs en situation quasi-monopolistique comme Microsoft.
Vous l’avez compris, avec Linux votre vieux PC retrouvera une deuxième jeunesse et verra sa vie prolongée. D’ailleurs il n’est vieux que parce que Microsoft a décidé qu’il l’était. En forçant l’adoption de nouveaux systèmes d’exploitation toujours plus lourds et consommateurs en ressources (énergie, composants etc.) ne s’agit-il pas d’un cas d’obsolescence organisée ? C’est comme si on accrochait une remorque de deux tonnes à votre voiture et que l’on vous somme de changer votre véhicule pour tirer la remorque, alors qu’il faudrait plutôt optimiser le poids de cette dernière. Ceux qui ont à cœur la préservation de l’environnement devraient se pencher sur le problème.
Après la transition initiale vous pourrez découvrir l’univers de Linux et en apprécier pleinement la valeur. Si abandonner Microsoft après avoir été maltraité constitue en soi une satisfaction, d’un point de vue moins émotionnel cela permet aussi de se mettre à l’abri de l’extraterritorialité des lois américaines qui s’imposent aux utilisateurs des solutions américaines… C’est le moment ou jamais !
A propos de l'auteur : Diplômé de l'Université de Genève, Philippe Kamalaprija est Directeur de Projets. Il accompagne les entreprises dans l'adoption de solutions innovantes et durables. (lien).