Acteurs Locaux Les deux Savoie – Le microbiote ou notre santé au microscope


Acteurs Locaux Les deux Savoie – Le microbiote ou notre santé au microscope

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Article N°29014

Acteurs Locaux Les deux Savoie – Le microbiote ou notre santé au microscope

Plongez au cœur du microbiote, ce monde invisible qui colonise notre corps. Intestin, peau, bouche… ces écosystèmes fascinants protègent notre santé, influencent notre humeur et pourraient révolutionner la médecine de demain.
 

Qu’est-ce que le microbiote ?
Le nom vient du grec mikrós « petit », et biôtós, adjectif verbal de bióô « vivre ». Ce terme désigne l’ensemble des micro-organismes, ces organismes vivants invisibles à l’œil nu, qui colonisent les surfaces du corps humain.
L'existence d'organismes microscopiques a été découverte entre 1665 et 1683 par deux membres de la Royal Society, Robert Hooke et Antoni van Leeuwenhoek (source). C’est Pasteur qui dès 1857 démontre que la fermentation est due à des micro-organismes, mettant à mal la théorie qui prévalait alors de la « génération spontanée » selon laquelle des organismes vivants pouvaient se développer spontanément à partir de matière inerte.

Où se trouve le microbiote ? Il n’y a pas un mais des microbiotes en fonction des compartiments du corps humain qu’ils occupent. Le plus abondant se trouve dans le tractus gastro intestinal, mais la peau, la bouche, les voies respiratoires, le vagin et même le placenta hébergent leurs propres communautés microbiennes. Car il s’agit bien de communautés. Le microbiote peut se comprendre comme un vaste écosystème miniature. Il faut imaginer une forêt riche et complexe où cohabitent des milliers d’espèces, chacune ayant son rôle : certaines abritent du soleil, d’autres dépolluent dle sol, d’autres encore occupent l’espace empêchant l’arrivée d’espèces invasives ou fournissent de la nourriture à d’autres espèces.
Dans notre corps, cet écosystème est constitué de milliards de micro-organismes — bactéries, champignons, virus, archées — qui vivent en équilibre et interagissent avec nous en permanence. Cette communauté fonctionne parfaitement pour notre plus grand bien être - c’est une symbiose - ou se trouve déséquilibrée, occasionnant des dysfonctionnements dont nous subissons les conséquences, c’est la dysbiose.

Quel rôle joue le microbiote ? Selon la zone du corps qu’il colonise, chaque communauté possède une composition propre, adaptée à son environnement. Voici quelques exemples :
Microbiote intestinal : Communément appelé « flore intestinale »il est localisé principalement dans le côlon.

  • Digestion et métabolisme : grâce à leurs enzymes, les micro‑organismes que nous hébergeons dégradent les fibres alimentaires que notre corps ne peut pas digérer, produisant des substances plus petites. Ces dernières nourrissent les cellules qui tapissent le côlon, renforcent la barrière intestinale et régulent le métabolisme énergétique, c’est-à-dire l’utilisation que nous faisons de ces ressources. Il y a un lien entre l’altération du microbiote et l’obésité ou le développement de diabète de type 2 (lien article de l’INSERM).

  • Immunité : Les microbes du microbiote « entraînent » certaines cellules immunitaires (les lymphocytes) à apprendre à tolérer les aliments et les substances inoffensives, tout en restant capable de se défendre contre les microbes dangereux. Cela permet d’éviter des réactions inflammatoires trop fortes et réduit le risque de maladies auto-immunes.

  • Communication intestin-cerveau : « nos intestins sont notre deuxième cerveau » dit-on… et en effet il existe un lien privilégié entre les deux organes. Le microbiote produit des substances  neurotransmettrices (sérotonine, GABA) et des produits de dégradation (métabolites) qui sont autant de signaux reconnus par notre cerveau, influençant l’humeur, le stress et même certaines fonctions cognitives. On a pu établir une relation avec la dépression et des déséquilibres du microbiote intestinal. (lien article de l’INSERM)

Microbiote cutané : la peau est le plus grand organe du corps, c’est aussi celui qui a le plus de contact avec l’extérieur.

  • Barrière protectrice : les microbes « commensaux », c’est-à-dire ceux qui colonisent notre peau sans causer de dommages forment une barrière physique – ils occupent l’espace, empêchant les agents pathogènes (qui peuvent causer des maladies) de s’y installer par effet de compétition –  et chimique – en maintenant un pH légèrement acide (≈ 5,5) ils découragent la croissance de bactéries nuisibles.

  • Régulation du sébum : Certains micro-organismes sont impliqués dans la régulation de la production de sébum, une substance huileuse sécrétée par les glandes sébacées.

  • Immunité locale : en stimulant certaines cellules, ils aident à réguler la réponse inflammatoire et favorisent la production de substances antimicrobiennes (cathelicidines, défensines) qui renforcent la défense cutanée.

Un déséquilibre du microbiote cutané peut contribuer à des problèmes de peau tels que l’eczéma et l'acné (lien article de l’INSERM).

Microbiote buccal : la cavité orale abrite plus de 700 espèces microbiennes réparties entre la langue, les gencives, les dents et la salive.

  • Dégradation des sucres : certains streptocoques transforment les glucides (sucres) en acide lactique susceptible de provoquer des caries dentaires, mais les bactéries bénéfiques (Streptococcus sanguinis, Veillonella) consomment cet acide, limitant l’attaque.

  • Prévention des infections : le microbiote compétitif empêche la colonisation par des organismes pathogènes, réduisant l’inflammation gingivale.

  • Immunité : les substances produites par certains micro-organismes stimulent les cellules immunitaires locales renforçant la protection des muqueuses buccales.

Microbiote vaginal : chez les femmes, la flore du vagin est composée majoritairement de bactéries appelées lactobacilles.

  • Acidification : les lactobacilles fermentent les sucres, notamment le glycogène présent dans le vagin en acide lactique, générant un pH acide qui inhibe la croissance de bactéries pathogènes (ex : Gardnerella).

  • Production de substances antimicrobiennes : les lactobacilles produisent de l’eau oxygénée et des bactériocines qui détruisent les agents infectieux.

  • Stimulation immunitaire : les lactobactéries modulent certaines substances comme les cytokines, favorisant une réponse équilibrée qui protège contre les infections urinaires et les vaginites sans provoquer d’inflammation excessive.

Au-delà de ces exemples qui font l’objet de nombreux articles il existe également des microbiotes moins abondants mais essentiels pour la prévention des maladies dans les voies respiratoires supérieures (nasal et bronchique), les voies urinaires et la surface oculaire. Où qu’ils résident nos microbiotes partagent trois fonctions clés :

  • Ils occupent le terrain, empêchant la colonisation par des agents pathogènes

  • Ils produisent des composés protecteurs (acides, peptides, enzymes)

  • Ils permettent de renforcer le système immunitaire local.

Nous commençons à réaliser l’importance de ces écosystèmes sur notre santé. Cette coopération, on peut parler de symbiose, nous aide à rester en bonne santé, à prévenir les infections et à maintenir l’équilibre de nos organes. Longtemps méconnu, voire malmené par nos modes de vie hygiénistes et nos habitudes alimentaires qui font la part belle à des aliments de plus en plus transformés voire artificiels, cet écosystème fragile, nécessaire à notre bien-être est de plus en plus mis à mal.

Nous devons prendre soin de nos amis microscopiques comme ils prennent soin de nous. Les sites et blogs regorgent de recommandations ciblées sur la préservation ou la restauration de tel ou tel microbiote (exemple Institut Pasteur Lille).
De nombreuses disciplines scientifiques explorent des axes différents de ces communautés aussi mystérieuses que complexes. Les prochaines années seront cruciales : à l’avenir, le microbiote pourrait devenir un pilier majeur de la médecine : diagnostics basés sur la composition microbienne, thérapies à base de bactéries « sur mesure », prévention personnalisée, intégration de l’intelligence artificielle, autant de pistes qui laissent entrevoir une révolution dans notre façon de soigner et de comprendre le corps humain.


Nathalie ROC MAWET

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